Rencontre avec le chercheur Jean-Louis Kerouanton : de l’importance de préserver le patrimoine portuaire
L’ambition de Nantes Saint-Nazaire Port, affichée dans son plan stratégique, est de mieux valoriser ses réserves foncières, qui abritent de nombreux bâtiments et équipements porteurs d’une vraie valeur patrimoniale. Rencontre avec Jean-Louis Kerouanton, Maître de conférence en histoire des sciences et techniques au Centre François Viète de l'Université de Nantes, qui nous explique pourquoi le Port a un rôle à jouer en tant que passeur de mémoire.
Crédit photo : Alice Grégoire
Comment « fait-on » le patrimoine aujourd’hui ?
L’intérêt de la question patrimoniale n’est pas de faire une collection d'objets sacralisés mais avant tout de comprendre comment l'histoire d'un lieu et d’une institution fait sens aujourd’hui. Elle se pose non pas pour figer le temps mais pour informer sur ce qu’il devient. La préservation du patrimoine est une décision permanente et collective.
Quel est le rôle d’une institution comme Nantes Saint-Nazaire Port, propriétaire d’équipements historiques exceptionnels (bassins de radoub, forme-écluse Joubert, écluse de 1900…) ?
Le Grand Port Maritime a hérité de la question de l’industrialisation de l’estuaire qui va bien au-delà de la simple ligne de quai et comprend également l’ensemble du patrimoine immobilier et foncier. Tous ces éléments participent à la construction d'une identité. L’autorité portuaire - et j’en suis sûr, elle en est tout à fait consciente - a la responsabilité de participer à cette intelligence collective de la compréhension historique du territoire. Même si aujourd’hui l’avenir du Port est tourné vers les énergies renouvelables, il ne faut pas non plus renier cet héritage. Il faut expliquer et raconter de façon collective ce paysage industriel particulier (le machinisme, le rapport aux énergies fossiles…) au travers d’un récit qui valorise la situation des différents lieux.
La modélisation 3D ouvre à ce titre de nouveaux champs de valorisation...
Ces outils permettent de mieux expliciter des objets, mais également de faciliter la compréhension des flux et des usages. Grâce à la modélisation, nous pourrions recréer et même faire fonctionner le port de Saint-Nazaire imaginé par Hergé ou même, plus sérieusement, revenir au début du siècle dernier ! Il y a quelques années, mon équipe a notamment travaillé, en partenariat avec l’école Centrale de Nantes, à la réalisation d’un modèle numérique du fameux plan-relief du port de Nantes en 1900. Aujourd’hui, les bases de données intelligentes, associées à un système de gestion géographique, offrent de nouvelles perspectives. Nous avons également un projet de simulation 3D de l’ancien bâtiment de CAP 44, situé dans le Bas-Chantenay à Nantes.