Free port anglais : « transformer la menace en opportunité »
Avec le Brexit, l’Angleterre a décidé de relancer la création de free ports (ou ports francs). Huit d’entre eux devraient voir le jour. Certains, en France, y voient une menace. Alexandre Lavissière, professeur de logistique à l’école de commerce Kedge et président du Think Tank Logisthinker considère, au contraire, que c’est une formidable opportunité pour replacer les ports français au centre du jeu. Explications.
Avec la décision de l’Angleterre de créer plusieurs ports francs, le sujet suscite de plus en plus d’intérêt. Comment définiriez-vous ce modèle ?
Pour faire simple, c’est une zone logistique d’extraterritorialité douanière accolée à un port. Elle est mise en place afin de capter de nouveaux flux et ainsi créer de la richesse. On ne perd pas de rentrées fiscales, puisqu’on attire des flux qui sinon n’existeraient pas. En revanche, on gagne des recettes fiscales indirectes, liées à la croissance. En sortant de l’Union européenne, l’Angleterre a tout intérêt à mettre en place une zone d’extraterritorialité douanière afin de profiter d’une position géographique et économique favorable par rapport au marché européen. Preuve de la pertinence du modèle, parmi les 25 premiers ports à conteneurs du monde, seuls Anvers et Rotterdam ne possèdent pas de zones franches logistiques.
La France est même un des rares pays à ne pas en avoir du tout.
Effectivement. Et elle ne s’intéresse sérieusement au sujet que depuis très récemment. Une commission interministérielle vient d’être constituée afin de réfléchir à la compétitivité des ports français. Elle doit rendre son rapport d’ici la fin d’année. Une note, commandée à l’Institut Montaigne, a été également présentée lors du dernier Comité interministériel de la mer (CIMer) en 2020. Une des propositions serait de mettre en place des « zones économiques spéciales portuaires ». Il s’agirait de réduire la taxe foncière pour les industriels. Tout cela n’est encore qu’au stade de la réflexion et surtout manque d’ambition, de vision et parfois d’expertise sur le thème spécifique des ports francs.
Quelles seraient vos propositions ?
Une des pistes serait tout d’abord de mettre place, comme sur le modèle américain, des zones tampons à des points d’entrée de marchandises français de l’Union européenne. Ce réseau de zones franches formerait un cluster industriel portuaire, connecté à l’international avec d’autres ports francs, permettant de capter de nouveaux flux.
Pour gagner en attractivité, l’autre levier serait d’y développer des chaînes logistiques d’excellence dédiée à des filières industrielles locales, avec des standards écologiques de haut niveau et une d’offre de services high-tech de pointe. Ces filières compétitives pourraient ainsi capter des flux passant aujourd’hui par des ports étrangers. Les ports français, qui disposent déjà d’infrastructures de qualité et de compétences, sont en capacité de transformer la menace en opportunité, mais il va falloir s’adapter sans trop attendre pour rester attractifs.